L'huis principale, claquant sourdement, avait retentit dans l'ensemble du château en cette heure tardive. Seuls deux gardes encore debout jouaient aux dés pour chasser le sommeil qui leur aurait valut de sévères remontrances au réveil.
Une silhouette recroquevillée telle un spectre fit alors son apparition dans un coin de la salle. Cette entrée soudaine et inattendue fit froid dans le dos de ces derniers, qui se lancèrent en silence un regard interrogateur. Le plus hardi des deux pris alors la parole :
Qui est-tu vieillard, pour te faufiler de la sorte dans notre domaine ? Je ne t'ai jamais vu ici et tu n'appartiens à aucun de nos cercles ! Qui donc t'a permis...
La voix chevrotante du garde trahissait son appréhension dissimulée derrière des paroles qu'il avait voulu tranchantes. Le vieil homme souleva alors sa capuche et fit taire d'un regard autoritaire le gardien à l'excès de zèle.
Sache, fiston, que je suis dans mes droits. Je viens en ce lieu pour sceller mon accord, et demain tu pourras m'appeler "mon frère" si tu le souhaite.
L'homme d'arme n'avait pas cherché plus loin. Se rapprochant de son confrère d'infortune il se remit à jouer en regardant furtivement le vieillard s'éloigner d'un pas lent vers la salle des archives. Les deux hommes le regardaient encore lorsqu'il atteint la porte, se retournant soudainement.
Une dernière chose, les enfants...
Je suis connu sous le nom de Modd. Modd de Vrik, le célèbre visionnaire. Et je vous déconseille vivement de m'appeler "le vieillard" ou d'une manière similaire. Même en mon absence. Certains parmi vous en on déjà fait les frais je crois bien.
Un grand sourire se devinait sous sa capuche lorsqu'il prononça ces derniers mots, quittant la salle de garde :
Je fais partie de ceux qui pensent que la fessée reste la meilleure des punitions...
Il avait dit cela tout en faisant tournoyer haut sa canne, révélant des ornements finement incrustés. Qui qu'il soit, ce mystérieux vieillard cachait bien son jeu. Alors qu'il était déjà loin dans les couloirs du château les deux gardes déglutirent difficilement en entendant au loin les bruits d'une canne martelant les pavés, mêlés à un rire grave semblant provenir d'outre tombe...